spongieuse, plus foncée que l’olive, plus éclatante que l’émeraude, était semée de champignons.
Georges et Fanny s’assirent sur le piédestal bosselé que formaient les racines d’un chêne.
Barral prit la main de la jeune femme.
« Écoutez-moi bien, chère amie, et ne répondez qu’après m’avoir bien compris. J’ai un conseil à vous demander.
— Georges !…
— Vous connaissez ma situation. Je suis marié. J’ai promis à ma femme de ne jamais divorcer ; cela me serait légalement impossible… Du reste, je n’y tiens pas le moins du monde. Je me sens libre. Je suis libre. Ne le croyez-vous pas, dites, Fanny ?
— Je le crois.
— Eh bien, me voici donc libre, à trente-cinq ans, assez jeune pour jouir longuement de ma liberté, assez mûr pour l’estimer à son prix, assez sage pour n’en point abuser. Je me suis arrangé, à peu de frais, sans léser ni gêner personne, l’existence la plus agréable. Je travaille, non par nécessité, non pas même par vanité, mais par plaisir. S’il me plaît de voyager, je boucle ma valise et je pars ; s’il me convient de vivre solitaire, je ferme la porte aux indiscrets. Si j’ai besoin de dépenser ma force, je quitte mes bouquins, et me voilà redevenu la brute heureuse des âges primitifs, chasseur, pêcheur, nageur, passionné pour les voluptés violentes de tous les sports. Ayant un bon estomac, j’ai un bon caractère. Ayant un bon caractère, je suis optimiste, indulgent… J’ai des amis. Et je serais le plus fortuné des hommes si…
— Si… quoi ?
— Si je trouvais une femme, une vraie femme, une femme à moi, comprenez-vous ?
— Ce n’est pas difficile à trouver, Barral. Il y a tant de femmes !
— Ma pauvre amie !… Si vous saviez !… « Tant de femmes !… » Pas une sur cent, pas une sur mille !… Il n’y a rien de plus rare qu’une vraie femme, ma chère Fanny. D’un côté les « régulières », l’armée des régulières, épouses, fiancées, mères et sœurs… De l’autre côté, les révoltées, les réfractaires et… les commerçantes d’amour. Ma situation m’interdit l’approche des régulières : les jeunes filles m’ennuient, et, quant aux femmes mariées, elles ressemblent plus ou moins à ma propre femme, et cela suffit à m’en dégoûter… Donc, ne parlons pas des régulières. Que reste-t-il ?
— Les autres… les « commerçantes ».