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Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/64

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— Ma foi, il y a de bonnes filles dont je reconnais les mérites. Elles peuvent me donner ce que je leur demande, mais je ne leur demande que ce qu’elles peuvent donner : pas grand-chose… Et, franchement, ça ne me suffit pas. Car, si je ne suis pas un sentimental, je ne suis pas davantage…

— La brute des âges primitifs ?

— Je suis un homme, Fanny, et je cherche une femme… non pas une anémique et prétentieuse marionnette que je casserais en la touchant ; non pas un inconscient animal de volupté : une femme, un être jeune, beau, robuste, avec du sang au cœur et aux lèvres ; qui n’aurait pas peur de mon désir, qui se donnerait joyeusement, sans grimaces ; un être intelligent, raffiné, caressant, un peu mystérieux toujours, et cependant simple et sincère…

— Vous n’êtes pas difficile, dit Fanny troublée par le regard de Barral, un regard appuyé, insistant, plus éloquent qu’une parole et plus hardi qu’une caresse.

— Cette femme, elle existe, Fanny !

— Vraiment ?… Est-elle une « régulière », comme vous dites, ou une commerçante ou une… réfractaire !

— Si elle consent à m’aimer, elle passera dans le clan des réfractaires… Et c’est ici que je vous attends, madame. Cette femme qui réalise exactement mon idéal de maîtresse-amie, je ne peux pas l’épouser. Je partagerais tout avec elle ; je lui ferais une vie heureuse et sûre, je la chérirais, je la protégerais, je la défendrais contre le mépris du monde, mais il faudrait qu’elle consentît à mépriser ce mépris, à rompre avec les sots préjugés, les sottes pudeurs, les sots respects, et qu’elle fût, bravement, gaiement, devant tous, ma maîtresse. »

Fanny retira sa main. Elle s’isolait dans sa pensée impénétrable, tout son visage durci, presque hostile… Barral ôta son chapeau, essuya son front où perlait la sueur. Et, Fanny se tournant vers lui, brusquement, leurs regards se défièrent.

Mme Manolé se leva, redressa sa bicyclette, et, droite, appuyée au guidon, dominant Barral, elle répondit :

« Mon cher, quand on aime une femme, on brise tout, on l’épouse. »

Georges pâlit :

« Je vous répondrai à mon tour : « Quand on aime un homme, on le suit, on se donne, sans conditions, sans marché. »

Elle répéta :

« Quand on aime !…