Page:Tinayre - La Rancon.djvu/112

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les paroles décisives qui seraient peut-être dites.

Oh ! l’ombre de l’escalier, l’odeur de la vieille maison, l’usure des marches, les souvenirs évoqués par chaque halte peureuse sur le palier, le cordon usé à franges vertes, la voix de la clochette, qui tant de fois, remua les cœurs ! Et le premier regard, l’étreinte, le baiser sur le divan, la blanche lumière de la haute fenêtre, les partitions ouvertes sur le piano, la grande écriture d’Étienne sur la page commencée ! Et la chambre aperçue dans le demi-jour, la chambre au lit voilé, aux fenêtres voilées, la chambre qui les épouvante encore et dont ils n’ont jamais franchi le seuil…

Vainement Étienne prolongeait la lutte. Vainement il tentait de mettre entre eux Paul, l’enfant, le passé, les spectres des malheurs possibles. Le cynisme ingénu de Jacqueline l’étonnait parfois.

Est-ce une tâche possible à un amant de refaire l’éducation morale d’une femme de vingt-six ans, belle, amoureuse, qui interrompt les reproches avec des rires et des baisers ? Chartrain sentait que son autorité d’ami s’atténuait un peu depuis que les premières caresses avaient révélé à Jac-