Page:Tinayre - La Rancon.djvu/120

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robe sur les graviers lui donnait des sursauts affolés, la terreur d’être suivie dans cette fuite secrète. Elle s’engageait enfin sous l’énorme voûte des tilleuls centenaires. Étienne l’attendait sur un banc. Dans la nuit que l’arceau des branches faisait plus noire, il recevait la jeune femme entre ses bras. Et c’était deux heures de causeries balbutiées, bouche à bouche, deux heures où ils concentraient l’impatience, la folie de trois jours, deux heures que le silence, la solitude, la séparation inévitable, rapprochée à chaque minute, remplissaient de sensations aiguës, de douloureuses délices. Jacqueline enfin s’éloignait, elle regagnait sa chambre, toute brisée, dans une exaltation d’amour qui se dissipait en pleurs… Par la fenêtre ouverte, elle voyait, dans la vallée immense, confuse comme la mer, l’illumination formidable de Paris, flambant chaque soir, le reflet des lumières dans la Seine, loin, loin… Elle appelait Étienne, alors, elle défaillait de tendresse, de désir vague et inassouvi, pendant que les clochettes d’argent des crapauds tintaient dans l’humidité des jardins, comme une plainte cristalline.

Madame Mathalis annonça l’intention de réunir ses amis une dernière fois avant son départ pour la campagne. Jacqueline promit volontiers son