Page:Tinayre - La Rancon.djvu/198

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette inquiétude d’Étienne atteignit son paroxysme quand Moritz commença le portrait de Jacqueline. Il lui déplaisait que la jeune femme posât en toilette de soirée, dans la solitude de l’atelier, propice aux demi-confidences et aux vagues déclarations. Certes, il estimait Moritz, mais sa propre faiblesse lui apprenait à ne pas trop compter sur l’héroïsme d’autrui. Chartrain s’exaspéra. Quand il savait madame Vallier dans le petit atelier de la rue Bara, une nervosité maladive le rendait irritable, impatient, incapable de s’arracher à l’obsession jalouse. Et Jacqueline, maladroite de bonne foi, lui racontait les détails des séances et les innocents privilèges que tout artiste s’arroge avec son modèle, quand ce modèle est une femme jeune, séduisante et spirituelle. De petites scènes éclatèrent, puis, un jour, sous un prétexte futile, Étienne s’emporta contre Moritz.

— Vous êtes donc jaloux ? dit Jacqueline.

Elle n’était point offensée de ces colères qu’une femme éprise considère toujours comme la preuve et l’effet d’une passion violente. Mais Chartrain, à tort ou à raison, souffrait réellement.

— Je ne suis pas jaloux, répliqua-t-il, mais j’ai