Page:Tinayre - La Rancon.djvu/200

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Il courut chez Jacqueline. Elle était absente. Elle posait chez Moritz.

— Elle n’a pas écrit un mot !… Elle ne m’aime plus !

Le propre de la jalousie, c’est la logique dans l’absurde.

Chartrain édifia le monument funéraire de son bonheur sur cette misérable petite coïncidence, et, en quelques minutes, il devint le plus infortuné, le plus troublé des amants. Étienne acceptait d’être malheureux, mais il ne voulait pas être dupe. Il alla rue Bara, dans un accès de fureur, ne sachant ce qu’il dirait ni ce que Moritz penserait de sa présence. La servante, interrogée, déclara que Monsieur avait modèle et que la porte était condamnée rigoureusement. À de nouvelles questions, elle répondit que madame Vallier n’était point venue. Étienne crut distinguer dans ces explications une nuance d’embarras et des pensées folles lui traversèrent l’esprit. Il oublia l’année d’amour, la tendresse de Jacqueline, sa sincérité, son dévouement, et à ses oreilles la voix de Moritz murmura : « Si on lui baisait la main, tôt ou tard on aurait la joue… »

— Il faut que je voie monsieur Moritz. C’est indispensable… Portez-lui ma carte…