Page:Tinayre - La Rancon.djvu/271

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bols de lait et suivie de ses bêtes, lente et courbée, elle rentra dans la maison.

Assis l’un près de l’autre, Étienne et Jacqueline se souriaient sans rien dire, étonnés d’être heureux encore et rêvant de mettre dans cette brève journée toutes les joies que l’amour peut contenir. Le vent fraîchissait ; l’orient se nacrait sous une brume légère, et les peupliers, par-dessus les murailles, égrenaient leurs frondaisons d’or. La vieille fée, caressant la tête du barbet brun, la chatte blonde frôlant sa jupe, reparut dans l’allée des dahlias — et Chartrain, tremblant comme un jouvenceau à sa première escapade, s’enhardit jusqu’à demander :

— N’auriez-vous pas une chambre où ma femme qui est souffrante pourrait se reposer une heure ou deux ?

L’élégante simplicité de Jacqueline, la gravité de Chartrain, l’espoir d’une aubaine devenue rare, disposèrent favorablement la brave femme. Elle enleva les assiettes, et de la voix traînante des campagnards :

— Pt’ête ben ! dit-elle. Pt’ête ben que je pourrais vous la donner, la chambre… Une belle chambre que je loue à des artisses pendant l’été.