Page:Tinayre - La Rancon.djvu/280

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le désir de recommencer leur vie dans une harmonie qu’ils n’avaient pas connue, Jacqueline avait senti que cette harmonie, impossible dès le lendemain des noces, est le résultat de lents efforts, d’une constante bonne volonté. Elle peut naître d’un amour éphémère, lui survivre et ne point le faire regretter, car elle développe un sentiment très doux qui n’est ni la passion ni l’amitié.

Jacqueline, puérilement éprise de Vallier pendant les premiers mois de leur mariage, s’était peu à peu désintéressée de lui. Ils avaient vécu sept ans côte à côte, baptisant « amour » leur affection nonchalante, et les plaisirs mondains avaient amusé l’inquiétude du cœur de Jacqueline. Mais le jour était venu où ce cœur avait reçu d’Étienne la révélation de sa destinée. Pendant trois ans, Chartrain et Jacqueline avaient élargi leur tendresse, avec le beau souci d’en faire quelque chose de rare, et la jeune femme s’apercevait que l’adultère les condamnait à l’éternelle contradiction. Trop faible pour se guider elle-même, trop fière pour la dépravation, trop intelligente pour s’abandonner, inconsciente, à la fatalité, elle sentait peser sur elle, de toutes parts, des responsabilités terribles…