Page:Tinayre - La Rancon.djvu/281

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Que de fois, en baisant les larmes dont elle ne dissimulait plus la cause, Chartrain prononça le mot de rupture, tremblant d’être exaucé. Une voix criait à tous deux que c’était l’unique solution au problème de la dualité sentimentale ; mais Jacqueline, sentant l’amante agoniser en elle, s’efforçait de la ressusciter par la pitié. Au moment où Chartrain, résigné à vieillir solitaire, bannissait la femme de sa vie, elle avait pris la responsabilité de son bonheur. Les scrupules qu’il avait éveillés en elle, elle les avait endormis en lui. Comment rejeter aux ténèbres celui qu’elle avait appelé à la lumière ? Mieux valait souffrir et se taire et prodiguer la joie qu’elle ne partageait plus.

Dans les baisers, dans les pleurs, dans les reproches, l’horrible duel se prolongea. Étienne devint jaloux et tyrannique. Jacqueline connut le supplice des étreintes qui ne galvanisaient plus son cœur malade, ses sens anesthésiés. Les lois secrètes de l’organisme féminin sont incompréhensibles pour l’homme, et il ne peut s’expliquer par quelle relation mystérieuse, chez la femme, l’émotion sentimentale crée ou supprime la volupté. Chartrain souffrait de cette indifférence toute physique qu’il confondait avec