Page:Tinayre - La Rancon.djvu/59

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— Mais — Étienne hésita — pourquoi ne viendriez-vous pas le visiter une fois, mon ermitage ?…

— En effet, pourquoi pas ?

La voix de Paul résonna dans le jardin. Jacqueline se rejeta en arrière. Mais son mari l’avait aperçue. Il cria :

— Je monte. Je vais te dire bonsoir.

Quelques instants après, Étienne était seul dans sa chambre… Le souvenir d’une nuit pareille lui revint, où il avait éprouvé la même langueur douce et dissolvante.

« Qu’ai-je donc ? se dit-il, qu’ai-je donc ? »

Ce qu’il avait, il ne voulait pas le savoir. Il ne voulait pas se gâter par des analyses le charme d’une journée inoubliable. Enfantillage auquel les plus graves n’échappent pas : il leur semble que l’amour et la responsabilité qu’il provoque, datent de l’instant précis où le mot d’amour est prononcé dans leur pensée… Étienne sentait encore sur lui-même l’auto-suggestion de l’amitié… Il s’endormit à peine troublé et bien heureux en pensant : « Viendra-t-elle ?… »