Page:Tinayre - La Rancon.djvu/61

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avait vouée à Paul. Le rêve d’une fraternité d’élection enchantait son âme. « Viendra-t-elle ? » pensait-il, sans apercevoir une contradiction entre ce désir et la prudence qui lui faisait espacer ses visites à la villa des Trembles… Mais juillet passa. Les Vallier partirent pour Royan, et Chartrain resta sans nouvelles de Jacqueline. À peine lui écrivait-elle un mot bref et poli pour lui demander l’envoi d’un livre. Il répondit sur le même ton, laissant percer, malgré lui, l’ennui de la solitude et l’amertume de se savoir oublié.

« Allons ! se disait-il, je me suis trompé. Les femmes s’apitoient aisément : mais leur pitié facile n’a ni profondeur, ni clairvoyance. Celle-ci s’est jouée de moi, comme les autres. Elle monte à cheval, elle danse au Casino, elle flirte, elle fait son métier de jolie femme. Cela vaut peut-être mieux, après tout. Qui sait où cette affection naissante m’eût entraîné ? »

Il s’étonnait pourtant de tant souffrir de cette indifférence. Il devenait pessimiste et chagrin. Jacqueline, à son retour, le trouva tout à fait changé Elle ne pouvait pas, elle n’osait pas lui dire qu’elle était allée bien des fois rue Vauquelin, et qu’une timidité inconnue à cette audacieuse l’avait arrêtée au seuil d’Étienne, invinciblement. Elle souhaitait