Page:Tinayre - La Rancon.djvu/62

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qu’il lui rappelât sa promesse. Mais si Chartrain semblait tenir à ses privilèges d’ami, rien dans ses paroles ne faisait penser qu’il désirât étendre ces privilèges. Jacqueline se rejeta dans la vie mondaine. L’ennui la prit bientôt, et le regret. Tout ce qu’elle ne disait pas à Vallier, soit par instinctive prudence d’épouse, soit parce qu’un malentendu initial les séparait, elle l’eût dit à Étienne, sans scrupules ni remords. Pourquoi après avoir fait un pas vers elle, Étienne reculait-il soudain ?

Les soirs d’hiver réunirent de nouveau les amis de Paul, soit dans le petit salon de la rue Leverrier, soit chez madame Mathalis. Jacqueline s’était remise à la musique avec une singulière ardeur. Chartrain résistait rarement au plaisir de s’asseoir près d’elle. Vaincu par la magie des voix mariées, par les frémissants souvenirs évoqués dans les Lieder de Heine, il laissait tomber le masque de sa fausse sérénité. Il ignorait que les femmes possèdent toutes le don de double vue et que Jacqueline ne perdait aucune de ses expressions. Un de ces soirs, vers la fin de cet hiver si pénible pour Étienne, il profita d’un instant de demi-solitude pour réclamer à madame Vallier un volume de poésies qu’il lui avait envoyé à Royan. Ils étaient debout près de la cheminée et, la tête