Page:Tinayre - La Rancon.djvu/82

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elle ne songeait plus qu’à voir Étienne le plus tôt possible et à combler le vide de son existence en y jetant un immense amour…

Une lettre d’Étienne, adressée collectivement aux deux époux, annonça son arrivée.

Jacqueline résolut d’aller attendre Étienne à la gare. « Il ne verra pas l’indifférence de la foule. Ses yeux apercevront un visage ami, dès le premier regard. » Arrivée beaucoup trop tôt, elle usa sa fièvre dans le Jardin des Plantes, plein de cris d’oiseaux et de cris d’enfants. Mars finissait dans l’ivresse d’un printemps précoce qui, en quelques journées d’azur pâle et de tiède soleil, faisait éclater la robe pourpre des bourgeons, la prison des crocus et des primevères. Paris sentait la violette, les marronniers allaient fleurir, et partout les jeunes feuillages offraient leur vert délicieux, tendre encore et verni par les giboulées. Jacqueline, assise sur un banc du labyrinthe, regardait le ciel plus délicatement bleu entre les cèdres noirs qui étageaient leurs larges frondaisons avec une majesté d’arbres pagodes. Les effluves du printemps la pénétraient. « J’aime, j’aime !… » Le mot divin fondait sur ses lèvres, emplissait sa poitrine d’une allégresse chaude, l’enivrait comme une liqueur. Les yeux clos,