Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/36

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corps massif barrait l’entrée de la cuisine ; elle secouait sa tête indignée au chignon noir et gris.

— Qu’y a-t-il, Maria ? fit Josanne.

— C’est m’sieur qui réclame après son éther… Il crie depuis une heure… Il a pas voulu manger c’te potage américain… c’te résidu de bouillon qui coûte si cher !… Et puis il a dit que l’œuf était pas frais… Un œuf que j’vas chercher à la vacherie de la rue de la Clef, où que je le prends, pour dire, sous la poule !… Après ça, il m’a demandé son éther, vu qu’il avait des crampes d’estomac… J’ai point trouvé la clé de la boîte à pharmacie… Alors il m’a agonisée de sottises… Il dit que j’ai caché la clé, exprès… Comme si j’étais une personne à faire des malices à mes patrons !…

— Mais le petit, Maria, a-t-il dîné ?

— L’gosse est au lit… Il dort… Faut que j’m’en aille… Quoi qu’il dirait, mon borgeois ?

Maria Touret, dite la Tourette, dénoua les cordons de son tablier bleu.

— La soupe de madame est au chaud, et le ragoût-z-aussi… J’ai porté le linge à couler… Bonsoir, madame.

— Bonsoir, Maria…

La femme de ménage regarda Josanne avec pitié. Elle n’avait pas servi chez des princes… Elle était native de la rue Mouffetard et elle manquait de manières. Mais c’était une brave créature, attachée aux Valentin, et qui admirait madame, tout en plaignant monsieur.

Josanne, débarrassée de son chapeau et de sa jaquette, passa dans la salle à manger, vide, éclairée