Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/66

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Maurice ne répond pas. Il réfléchit, cherche une phrase, une phrase adroite, vague et décisive pourtant. Mais Josanne lui saisit le bras, sans peur d’être vue, à quelques mètres de la rue Amyot.

— Parle ! parle !… C’est abominable !… Tu vois bien que je meurs…

Un ouvrier qui passe, un concierge au seuil d’une porte, tournent la tête. Maurice entraîne Josanne dans la rue Rataud, barrée par des chaînes et toujours déserte, entre deux longs murs de jardins. Là, ils seront seuls : elle pourra crier, s’évanouir… Mais elle ne criera pas ; elle ne s’évanouira pas. Il le sait. Dix fois, à des heures critiques, il a éprouvé l’énergie de cette femme. Elle recevra le coup sans broncher.

— Voilà. Pendant une absence, ma mère a trouvé tes lettres, toutes tes lettres.

— Eh bien ?…

— C’est une femme d’autrefois, ma mère, une femme très pieuse, un peu rigoriste ; elle a été élevée au couvent ; elle s’est mariée en province… Alors elle a pris les choses au tragique, tu comprends ! Elle m’a fait des reproches terribles, que je me suis faits à moi-même cent fois. Et…

— Et…

— Pour elle, pour toi aussi, Josanne, il faut que je parte… pas pour toujours peut-être, mais pour quelque temps, pour longtemps. Il faut…

Il n’ose achever. Josanne a compris. Elle ne crie pas, elle ne s’évanouit pas ; mais sa figure s’est décolorée tout d’un coup, et creusée, et tirée. Ses yeux se dilatent, noircissent. Ses lèvres s’ouvrent, comme si l’air lui manquait.