Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/67

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— C’était donc ça ! c’était donc ça !…

Le lourd filet échappe à sa main tremblante. Elle se baisse pour le ramasser, prévenant le geste de Maurice, et elle répète encore :

— C’était donc ça !…

— Ma pauvre Josanne…

Le sentiment de sa lâcheté gêne Maurice intolérablement. Un peu d’amour encore émeut son cœur et sa chair, et cette attitude de bourreau lui fait honte… Il voudrait persuader Josanne, la ranger au parti de ses intérêts, et qu’elle-même l’excusât, au nom de la morale qu’il invoque, morale conventionnelle, morale bourgeoise, incarnée fort exactement dans la personne de madame Nattier.

Mais la persuader, comment ?… Il n’a jamais eu aucune influence sur elle. Jamais il n’a su lui imposer ses idées, ses goûts, ses opinions, ses préjugés… Et il voudrait qu’elle dît, maintenant : « Tu as raison… », lorsque tout en elle proteste contre la veulerie de l’homme, son hypocrisie, son injustice…

Il essaie pourtant :

— Je vous le dis, ma chérie, en conscience : cela peut-il durer ?… N’êtes-vous pas triste, lasse, honteuse quelquefois, de ce rôle que nous jouons ?… Ah ! si vous étiez libre, je vous aurais prise avec moi, aimée, adorée… Mais vous n’êtes pas libre… Vous avez des devoirs, un mari que vous soignez avec un dévouement admirable, et que vous ne pouvez pas, que vous ne voulez pas quitter…

— Qu’en savez-vous ? dit-elle âprement. Vous ne me l’avez jamais demandé…

— Josanne, vous n’auriez pas consenti…