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tiédit l’argent de la cuvette, et les femmes empressées mettent, autour de la marquise à demi-nue, le charmant désordre d’un petit tableau libertin. Celle-ci couvre le feu d’une cendre légère comme un voile gris ; celle-là écarte les grands rideaux somptueux de l’alcôve ; une autre bassine le lit profond, tout écumeux de dentelles ; une autre éteint les girandoles qui se reflètent dans les glaces des trumeaux. Puis elles sortent. Madame est seule, avec sa fidèle du Hausset. Elle regarde, au miroir ovale de la toilette, sa figure du soir, la figure que l’amour seul connaît et qu’il veut retrouver, toujours pareille dans la diversité infinie. Hélas ! ce beau fruit charnel est meurtri déjà, marqué, marbré de taches légères, griffé de rides très fines, que le fard dissimule aisément, mais qui paraîtront bientôt malgré le fard. Les yeux, un peu saillants, s’entourent d’un large cerne ; la bouche est pâle ; le tissu délicat du cou et la gorge commence à se froisser ; et toute cette beauté de trente ans révèle le travail de la maladie qui rôde dans son organisme secret, là où gît la force essentielle de la femme.

La maladie, épouvantail de l’amour ! Mme de Pompadour songe en frémissant qu’elle n’a pas le droit d’être souffrante. Un jour qu’elle se sentait