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Page:Tinayre - La femme et son secret, 1933.pdf/163

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L’HÉROÏSME FÉMININ

piteuse. Quelques dames durent penser que l’aimable et vertueuse princesse avait perdu la plus belle occasion de se taire, et qu’il est plus charitable de tromper discrètement son époux que de le placer dans une situation ridicule. Le type du mari amoureux, malheureux et sympathique n’était pas encore inventé.

Il y avait bien Polyeucte ! Mais Polyeucte savait en se mariant que Pauline avait aimé Sévère. Polyeucte n’est pas jaloux. Il vit dans le sublime, où Pauline le rejoint. M. de Clèves vit sur la terre, comme tout le monde. Il ne s’occupe pas de renverser des idoles et de braver le gouvernement établi. C’est un homme qui souffre et souffrira chaque jour davantage. Il a pardonné une infidélité de sentiment tout involontaire. Il a honoré, admiré la vertu de l’épouse chérie qui lui a brisé le cœur, et pendant une heure au moins il a touché au sublime. Il n’a pu s’y maintenir. D’abord, il a voulu connaître le nom de son rival et il l’a connu. Le connaissant, son imagination a travaillé sur des mots, sur des circonstances infimes. Il a interprété le hasard. Il a construit le drame de la trahison. Ses soupçons insensés sont devenus une certi-