Page:Tinayre - La femme et son secret, 1933.pdf/220

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
218
LA FEMME ET SON SECRET

la comtesse Tolstoï. Condamnée à la reproduction perpétuelle, toujours grosse, nourrice, ou malade, cette malheureuse femme devait encore subir la rancune du prophète de la chasteté qui regardait le lit conjugal comme une étable immonde et lui-même comme un porc. En ce qui le concernait, il avait raison. L’amour, dès qu’on le croit impur, est impur. Un mariage strictement fidèle, si l’idée du péché le contamine, aussitôt se corrompt et pourrit la vie des deux époux. C’est une déviation morale spécifiquement russe. Victor Hugo voulait aussi que l’amour se purifiât par l’« expiation », mais cette idée romantique comportait un hommage à la beauté divinisée de l’amour. Juliette ne s’y trompait pas. Si des querelles éclataient entre eux, les réconciliations étaient belles. Les larmes versées faisaient fleurir des poèmes immortels. Et tant qu’à payer par de cruelles douleurs la gloire d’inspirer un chef-d’œuvre, à la Sonate à Kreutzer toutes les femmes préféreront la Tristesse d’Olympio.