Page:Tinayre - La femme et son secret, 1933.pdf/35

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
33
la petite enfance

l’instinct souverain qui la dominait toute, pressant sur son cœur la nouvelle fille lourde à ses bras. Et tout à coup, inquiète, touchée d’une sorte de remords qui gênait en elle sa sensibilité et son idée de justice (idée très forte chez l’enfant) :

« Maman, me dit-elle, elle est bien mignonne, la poupée que m’a donnée Mémé… Et la négresse aussi est mignonne, n’est-ce pas ? Elle est un peu noire, mais elle est bien mignonne… Tu sais, je l’aime tout de même. Et elle n’est pas si noire, si noire… »

La même petite Louise, apprenant la naissance d’un frère qu’elle n’avait pas demandé au Petit Jésus, et qui lui arrivait avec les étrennes, fut déçue par cette nouvelle, parce qu’elle espérait une sœur.

Elle méprisait les garçons, et le fit bien voir, un peu plus tard, quand elle connut les épines du droit d’aînesse.

« Ça m’ennuie, disait-elle en pleurant. Il faut toujours que je cède. Il faut toujours qu’on m’ « attrape »… Et tout ça pour un être qui n’est même pas fait comme moi ! »

En ce premier jour, n’ayant pas encore vu l’intempestif nouveau-né, elle éprouvait un