Page:Tinayre - Les Lampes voilees.djvu/27

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lèvres pendantes, au menton fuyant, des têtes énormes sur des cous grêles, striés de cicatrices, présentent on ne sait quel air de famille avec des visages presque jolis, éclairés de beaux yeux languissants, et que fleurit le rose éclatant et faux de la scrofule. Tous ces enfants sont frappés, mais non pas également. Il en est que ressuscitera bientôt à la vie normale, le bienfaisant miracle de la mer. Imprégnés de sel et d’iode, roulés nus dans le sable chaud, le soleil, l’eau marine, ils se lèveront un jour, ils jetteront leurs béquilles, la trace de leurs plaies s’effacera ; ils seront des hommes parmi les hommes… Mais il en est d’autres que le miracle n’élira point. Appelés trop tard, ceux-là ne recevront que la moitié du bienfait : une existence précaire d’infirmes. Condamnés à l’immobilité dans une gaine de plâtre rigide, ils ne semblent pas souffrir, se plaignent rarement et parlent peu. Ils observent et se souviennent. Leur regard attentif, poignant comme un reproche, révèle une intelligence aiguë prisonnière dans un cercle étroit de sensations et