Page:Tinayre - Les Lampes voilees.djvu/29

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Elle soulève le matelas de la couchette :

— Regardez ce magasin : des noisettes, des châtaignes, des croûtons, des bouts de papier, un bonbon tout poisseux… Jacob ramasse et amasse tout ce qui tombe à sa portée. Il n’en jouit pas ; il conserve, il thésaurise. N’est-ce pas comique, une telle avarice dans un mioche de quatre ans ?

Les voisins de Jacob rient avec une complaisance un peu lâche, mais l’enfant roux ne s’en émeut pas. Ses cheveux de cuivre brillent sur sa grosse tête blafarde, et ses yeux fauves épient, de côté, les deux femmes. Jamais le petit Jacob ne rit ; jamais il ne laisse pendre ses menottes, doigts ouverts, sur la couverture. Fermant ses poings, il ferme aussi sa petite âme défiante… Quelle séculaire expérience de la cruauté humaine, quel ancestral souvenir d’oppression, de résistance muette, quelle passion du gain lentement accru dans l’humiliation, habitent cette créature à peine formée ?

— Tu ris, Vanot ? Tu te moques de ton camarade qui est plus jeune que toi ? Faut-il me