Aller au contenu

Page:Tinayre - Les Lampes voilees.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’en étonne ; il est vrai qu’elle a pour lui de singulières indulgences, qu’elle excuse souvent et explique toujours ses rébellions… Un jour, elle a dit :

« Pierquin n’est pas méchant ; il souffre d’être trop intelligent et d’être trop seul. »

Nul n’a compris. Nul n’a deviné le drame qui se joue dans un petit être clairvoyant et sensible, que son intelligence exceptionnelle isole, parmi ses camarades arriérés, comme son infirmité physique l’isolera, plus tard, parmi les hommes vigoureux. Sa prétendue méchanceté n’est qu’un sursaut de révolte ; son amour des livres n’est qu’un effort de libération. Vain élan, cri perdu ! Seule, Laurence a eu pitié ; elle a eu pitié autrement que les médecins et les infirmières ; elle a compris que, dans le corps disgracié de Pierquin, vivait un rêve obscur, et que tout rêve a des ailes.


— Allons ! dit-elle, on va travailler. Le temps passe.

Rude est la tâche qu’elle s’est donnée, car