Page:Tinayre - Les Lampes voilees.djvu/47

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ruinée, Laurence se retrouve au Vert-Village : elle est cette jeune fille endeuillée qui accompagne, à pas lents, une vieille dame souffrante et capricieuse. Les années coulent : toujours ce même cadre, toujours les mêmes figures ; toujours les mêmes conversations, les mêmes soucis, les mêmes devoirs. Pas d’autres spectacles que ceux des heures et des saisons ; pas d’autres relations sociales que le docteur Aubenas, le curé de Saint-Eutrope, quelques bourgeoises du Fortin ; pas d’autres événements que les maladies et les morts, les petits scandales du village, l’arrivée et le départ des baigneurs qui louent le pavillon de l’Ermitage, pour l’été… À trente ans, mademoiselle de Préchateau se fane sans avoir fleuri ; elle abandonne toute coquetterie féminine. Avec sa coiffure lisse, ses robes aux graves couleurs du demi-deuil, son teint pâle qui jaunit un peu, ses yeux noirs, sa bouche taciturne, elle a l’air d’une infante espagnole devenue religieuse, soumise à la règle, abaissée aux humbles travaux et qui pourtant reste royale…