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Page:Tinayre - Les Lampes voilees.djvu/60

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prévoir, épargner, répétait avec philosophie le mot à la mode : « C’est la guerre ! »

Malgré le vieux tapis, les rideaux élimés, et les « vents coulis », la grande pièce était plus agréable aux yeux et relativement plus confortable que la moyenne des salons bourgeois, dans la petite province. Point de bibelots hideux, point de photographies étalées à foison. Des chardons violets dans une cruche de cuivre décoraient la tablette du vieux piano à queue ; un panneau de soie chinoise, bleu de nuit, brodé de roses bleues, couvrait un des murs ; et sur le mur opposé, un voile persan aux fraîches couleurs étendait son espalier féerique, chargé d’œillets et de grenades, où volaient tous les oiseaux du Paradis.

Laurence baisa la joue de sa mère et s’assit devant le feu. Madame de Préchateau répéta :

— Oui, ma fille, tu es absurde ! Tu cours les chemins, tu te fatigues, tu m’abandonnes toute l’après-midi, et pourquoi ? Pour jouer à l’institutrice. Tu ferais mieux de rester chez toi…

— Mais…