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CHOSES ET GENS DE PROVINCE

admirent, et sentent que nous sommes supérieures à elles.

Avec quel orgueil naïf elles proclament cette supériorité ! On les sent fines et intelligentes, ces jeunes femmes, et capables d’énergie, malgré leur instruction déprimante et leurs habitudes de passivité… Je voudrais bien savoir ce que pensent les maris, et s’ils éprouvent quelque considération pour les compagnes dont le modeste gain contribue au bien-être du ménage… Mais si j’interroge les femmes sur ce sujet délicat, je ne serai jamais sûre qu’elles me répondront sincèrement…

Je leur parle de la condition des travailleuses, à Paris, de l’exploitation des ouvrières et des employées, de l’immense effort féminin qui, déjà, inquiète l’homme — l’homme devenu, au lieu de protecteur, un concurrent, un rival… Mais elles ne comprennent pas. Comment pourraient-elles imaginer de pareils conflits, de telles mœurs, elles qui n’ont jamais ouvert un de nos livres, et qui parlent, pour la première fois, à une femme d’Occident ?