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CHOSES ET GENS DE PROVINCE

loge grillée réservée aux femmes, où se trouvaient déjà deux petits enfants loqueteux, et deux pauvresses, très dignes, très polies et très sales. J’avais à peine entrevu les saints hommes accroupis sur leurs talons et formant le cercle dans une salle très banale. Leur balancement de bêtes en cage, leurs cous tendus, leurs yeux désorbités, leur cri guttural et monotone, surtout l’odeur affreuse du harem m’avaient donné quasiment le mal de mer. J’étais partie sans attendre les grands hurlements terribles, le chœur démentiel de la fin.

Les derviches d’Andrinople se réunissent dans un couvent plein de lumière paisible et de silence. Leur salle d’exercice est parquetée et cirée, glissante, sous les sandales, comme un miroir. Sur une petite estrade circulaire, il y a des personnes dévotes — beaucoup de soldats — venus pour s’édifier. Les musiciens sont installés dans une galerie haute, et nous nous mettons, discrètement, derrière eux.

En robe brune, en robe verte de drap très lourd, coiffés du feutre conique, les derviches