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LA VIE AU HAREM

l’arabe et le persan, qui est poétesse et musicienne, qui est Turque, oui, Turque dans les moelles, a été complètement affolée par l’idée d’être « à la franque ».

Cœur excellent, âme généreuse et désintéressée, elle a beaucoup lu ; elle a trop lu ; et elle a trop retenu de phrases, de « clichés », de formules, de théories. Toutes ses lectures lui pèsent sur le cerveau, comme un repas intellectuel mal préparé, mal digéré. Comment pourrait-elle s’assimiler tant de sciences, tant de philosophies, tant de littératures, et la sociologie, hélas ! et l’économie politique, holà !… Elle ne peut dire vingt paroles sans prononcer ces mots magiques, « progrès, civilisation », et elle parle de Kant, familièrement, comme d’un bon vieil oncle à elle.

Madame Ange est révolutionnaire, naturellement ; elle est affiliée au Comité ; elle est patriote et moderne. Pourtant elle reste féminine ; elle garde les charmants défauts de son sexe : elle aime les robes, les bijoux, la poudre de riz. Elle est coquette et fut amoureuse. Elle est toujours