Page:Tinayre - Une provinciale en 1830.pdf/22

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bien terrible et bien bonne femme », disait son frère Zerbin. On ne savait ce qu’il fallait redouter davantage, de son inimitié qui ne pardonnait pas ou de son affection excessive et sans tendresse.

Quant à Zerbin, le plus jeune des Fonard, c’était un grand coureur de cotillons, toujours gueux, toujours gai, bel homme, tel que le montre une miniature où il se présente à l’admiration de la postérité, vêtu d’un habit bleu à boutons d’or et d’un gilet de nankin, portant chevelure bouffante, et sur le front, la boucle arrondie qu’on appelait l’« anneau victorieux ». Ses yeux bleus, sa bouche gracieuse ne trouvaient pas de cruelles. Au retour de l’émigration, il s’occupa galamment à manger les dernières bribes de son patrimoine, et, après avoir vendu sa maison de Saint-Pierre-de-Côle, il vint habiter chez sa sœur, à Verthis.

Mme du Fargeas, qui l’aimait particulièrement, ne cessait pas que de le rabrouer d’importance, lorsque, fuyant la meute des créanciers, il implorait d’elle secours et protection. Elle criait, jurait et sacrait, — car elle avait la parole leste — mais elle payait, et Zerbin pliait l’échine, riant en dessous, tandis que passait l’orage. Alors, le bon Antoine faisait signe à son beau-frère, et tous deux sortaient ensemble, allant vers quelque métairie, où — voyez l’heureuse chance ! — ce jour-là,