Page:Tiphaigne de la Roche - Sanfrein, ou mon dernier séjour à la campagne, 1765.djvu/24

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il les aimait singulièrement, et ce jour même il lui était défendu d’en manger, nouveau motif, et plus capable qu’un autre de lui en faire naître la plus forte envie. Au premier coup d’œil il tressaillit: était-ce de joie ? Était-ce du danger ? C’est ce que j’ignore. Les yeux fixés sur les perdreaux, la bouche béante, la main levée vers le plat fatal, Sanfrein resta comme en équilibre entre les devoirs de l’abstinence, et les saillies de son appétit. Senior, qui lisait dans l’âme de Sanfrein, prend un perdreau, le coupe précipitamment, en goûte et se récite sur la saveur. Sanfrein, toujours dans la même attitude, n’y put tenir. « J’en essaierai la grosseur d’une lièvre, dit-il, je goûterai sans avaler, et il n’y aura point de mal ». Il prend une aile, en détache un morceau et le savoure,