Aller au contenu

Page:Tissot - Principes du droit public, 1872.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

raison de ses devoirs, qui sont des devoirs de garantie ou de protection avant tout. C’est pour cette raison qu’à la différence des citoyens[1], l’État n’a pas le droit de renoncer à ses droits, puisqu’ils ne sont que des moyens d’accomplir ses obligations.

Ce n’est qu’à la condition de l’harmonie de toutes les libertés individuelles, du respect forcé des unes et des autres sous l’empire de la loi de justice, de leur libre assistance mutuelle sous l’empire de la loi facultative d’association subordonnée et de charité, que les citoyens d’un même État peuvent former un tout vraiment organique, vivant, sain et fort. C’est l’homo ex pluribus unus de Cicéron, dont les tendances n’ont d’autre but que l’utilité commune, le bien public, et non celui d’un individu, ou de plusieurs, d’une minorité ou même d’une majorité quelconque[2]. L’intérêt public n’est pas non plus d’une nature plutôt que d’une autre ; il comprend tous les intérêts, les intérêts matériels, intellectuels, politiques, moraux et religieux. Il ne s’agit pas de sacrifier les uns aux autres, puisque tous ont leur prix et sont au même titre la matière du droit, puisqu’ils sont tous des biens.

Les lois d’une communauté politique fondée sur la justice sont donc essentiellement des lois égalitaires, et non des lois de privilèges. Celles-là même qui ont un caractère spécial ne doivent être ainsi qu’en vue du bien public et de l’égalité. Mais qu’on ne l’oublie pas : il n’y a d’égalité véritable qu’à la

  1. Jure suo uti nemo cogitur. L. un. Cod., Ut nemo invitus, etc., 3, 7.
  2. Utilitas uniuscujusque et universorum, Cic., de Off., IiI, 6.