Page:Tissot - Principes du droit public, 1872.djvu/57

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et qu’elle est juste par cela seul qu’elle est ? A ce compte, il n’y aurait aucune différence entre le fait et le droit en matière de droit constitutionnel : tout ce qui est serait légitime, et rien de ce qui n’est pas n’aurait le droit de devenir ; il n’aurait le droit d’être qu’autant qu’il serait devenu. Mais dès qu’il serait devenu, il serait, par le fait, légitimé.

Cette théorie conservatrice nous semble des plus révolutionnaires, sans parler de ce qu’elle a d’empirique et de matérialiste. Elle se réduit évidemment, moins l’ironie qui en fait une critique et une vérité dans la pensée du fabuliste, à la maxime :

La raison du plus fort est toujours la meilleure.

C’est, en d’autres termes, la négation du droit en matière constitutionnelle, ou tout au moins la subordination du droit à la force.

Or cette théorie était formulée au collège des Jésuites de Fribourg du temps de la restauration par la maxime : Rex quia potens, ce que le professeur de droit naturel au collège de France, à la même époque et de la même école, traduisait ainsi : Le pouvoir se prend et ne se donne pas.

Une autre école, plus ouvertement empirique, l’école dite historique en droit, ou l’école transcendante de l’absolu, professe la même doctrine lorsqu’elle met en principe que tout ce qui existe est raisonnable, et que tout ce qui est raisonnable existe. Il y a là un fatalisme supérieur, ontologique, qui prend les choses de l’ordre moral à un point de vue tout dynamique encore, et qui se légitime à cet