Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je ne crois pas à la prospérité non plus qu’à la durée des philosophies officielles, et, quant aux religions d’État, j’ai toujours pensé que si parfois elles pouvaient servir momentanément les intérêts du pouvoir politique, elles devenaient toujours tôt ou tard fatales à l’Église.

Je ne suis pas non plus du nombre de ceux qui jugent que pour relever la religion aux yeux des peuples, et mettre en honneur le spiritualisme qu’elle professe, il est bon d’accorder indirectement à ses ministres une influence politique que leur refuse la loi.

Je me sens si pénétré des dangers presque inévitables que courent les croyances quand leurs interprètes se mêlent des affaires publiques, et je suis si convaincu qu’il faut à tout prix maintenir le christianisme dans le sein des démocraties nouvelles, que j’aimerais mieux enchaîner les prêtres dans le sanctuaire que de les en laisser sortir.

Quels moyens reste-t-il donc à l’autorité pour ramener les hommes vers les opinions spiritualistes ou pour les retenir dans la religion qui les suggère ?

Ce que je vais dire va bien me nuire aux yeux des politiques. Je crois que le seul moyen efficace dont les gouvernements puissent se servir pour mettre en honneur le dogme de l’immortalité de l’âme, c’est d’agir chaque jour comme s’ils y croyaient eux-mêmes ; et je pense que ce n’est qu’en se conformant scrupuleusement à la morale religieuse dans les grandes affaires, qu’ils peuvent se flatter d’apprendre aux citoyens à la connaître, à l’aimer et à la respecter dans les petites.