Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/251

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l’homme, l’ange enseigne à la brute l’art de se satisfaire. C’est parce que l’homme est capable de s’élever au-dessus des biens du corps, et de mépriser jusqu’à la vie, ce dont les bêtes n’ont pas même l’idée, qu’il sait multiplier ces mêmes biens à un degré qu’elles ne sauraient non plus concevoir.

Tout ce qui élève, grandit, étend l’âme, la rend plus capable de réussir à celle même de ses entreprises où il ne s’agit point d’elle.

Tout ce qui l’énerve, au contraire, ou l’abaisse, l’affaiblit pour toutes choses, les principales comme les moindres, et menace de la rendre presque aussi impuissante pour les unes que pour autres. Ainsi, il faut que l’âme reste grande et forte, ne fût-ce que pour pouvoir, de temps à autre, mettre sa force et sa grandeur au service du corps.

Si les hommes parvenaient jamais à se contenter des biens matériels, il est à croire qu’ils perdraient peu à peu l’art de les produire, et qu’ils finiraient par en jouir sans discernement et sans progrès, comme les brutes.