Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/198

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portait ensutie les fragments, sans art, avec la seule aide des hommes et des chevaux, par des rampes qu’on s’était ménagées. On enleva de cette manière un million soixante-onze mille quatre cent vingt-deux mètres cubes de déblais. Quinze cents hommes et quatre cents chevaux furent occupés pendant plusieurs années à cet ouvrage. Cette immense cuvette de rocher fut dressée en talus de 45 degrés depuis le fond jusqu’au niveau des basses mers d’équinoxes, et au dessus elle fut entourée d’un mur composé en entier d’assises de granit. La dépense du tout s’éleva à dix-sept millions quatre cent soixante-un mille cent soixante-quatorze francs. Cet avant-port ne peut contenir que six vaisseaux de ligne en laissant l’espace nécessaire aux mouvements journaliers d’entrée et de sortie. M. Cachin, dans son devis originaire, avait évalué que le creusement des deux bassins et la construction de trois formes sèches ne coûteraient pas, en tout, plus de sept millions.

L’avant-port fut ainsi terminé en 1815 ; ou y introduisit la mer, cette année-là, en présence de l’impératrice Marie-Louise. On avait eu soin auparavant de sceller au fond de ce bassin une plaque de métal sur laquelle ces mots étaient écrits : « Napoléon-le-Grand a décrété le 15 avril 1803 qu’un port serait creusé pour les grands vaisseaux dans le roc de Cherbourg, à cinquante pieds de profondenr. Ce monument a été terminé et son enceinte ouverte à l’Océan le 27 août 1813. »

L’amiral Decrès, ministre de la marine, avait suivi Marie-Louise en Normandie. La lettre dans laquelle il rendit compte à Napoléon de ce qui s’était passé à Cherbourg mérite d’autant plus d’être citée qu’elle est restée jusqu’à présent inédite. L’amiral Decrès, après avoir raconté assez simplement à l’Empereur comment la mer avait été introduite dans l’avant-port, lui fait connaître que le 28 août l’Impératrice a fait une promenade en rade. « Au retour, dit-il, le canot qui portait Sa Majesté ne pouvait aborder,