aucune des vertus de l’homme libre ; il perd les traditions d’obéissance et de respect dont le magistrat aura besoin de se servir quand l’autorité du maître sera abolie.
« Les nègres des Antilles, disent les rapports les plus récents et les plus dignes de loi, quittent presque toutes les nuits leurs cases pour aller courir au loin et se livrer à la débauche. C’est aussi pendant cette liberté des nuits qu’ils se livrent au vol, à la contrebande, et qu’ils tiennent des conciliabules. Quand le jour arrive, ils sont épuisés et peu propres au travail. Lorsque l’on demande aux colons pourquoi ils donnent cette liberté si funeste à leurs esclaves, ils répondent qu’ils sont hors d’état de la leur ôter. En effet, lorsque le maître demande à ses nègres autre chose que ce qu’ils sont acoutumés de faire, ceux-ci le combattent d’abord par la force d’inertie, et, sans qu’il insiste, ils répondent en empoisonnant les bestiaux. La terreur du poison est grande dans le pays ; par elle, l’esclave domine le maître. »
Cette terreur du poison paraît surtout répandue à la Martiniijue. La Commission a eu sous les yeux un rapport de M. le gouverneur de la Martinique, en date du 15 mars 1859, dans lequel ce fonctionnaire attribue en partie à la crainte du poison le peu d’ardeur que mettent les colons à élever des bestiaux. « L’éducation des bestiaux, dit-il, est découragée par le poison. »
L’humanité et la morale ont souvent réclamé, et quelquefois peut-être avec imprudence, l’abolition de l’esclavage. Anjourd’hui c’est la nécessité politique qui l’impose.
Il vaut mieux qu’une main ferme et prudente vienne précipiter et conduire la crise, que de laisser les sociétés coloniales s’affaiblir et se dépraver dans son attente, et devenir enfin incapables de la supporter un jour.
Votre Commission, messieurs, a été unanimement d’avis que le temps est venu de s’occuper activement de l’abolition finale de l’esclavage dans nos colonies, et elle a dû rechercher quel était le meilleur moyen de l’abolir.
Deux systèmes généraux se sont naturellement présentés à sa pensée.
Le premier ne fait arriver les esclaves à la liberté qu’individuellement, et par une suite de mesures lentes et progressives.
Le second fait cesser simultanément pour chacun d’eux la servitude.