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Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/324

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ment, et, par suite, de modifier à grands frais l’état matériel de nos prisons ? Ne suffirait-il pas plutôt de perfectionner l’ancien système sans opérer de changements considérables dans les maisons où on le met en pratique ?

La Commission est demeurée convaincue que ce dernier parti ne pouvait être adopté.

C’est celui auquel s’était d’abord arrêté le gouvernement. Avant de demander aux Chambres d’instituer un nouveau régime d’emprisonnement, l’administration, comme cela était de son devoir, avait cherché pendant plusieurs années à tirer parti du régime actuel en l’améliorant. Depuis 1859 surtout, elle a déployé dans cette tâche un zèle persévérant que la Commission doit reconnaître. Avant cette époque les maisons centrales présentaient encore l’image d’une manufacture, et souvent d’une manufacture mal réglée, bien plus que d’une prison. Les détenus y jouissaient d’un bien-être supérieur à celui que trouvent la plupart des ouvriers honnêtes de la société. La prison avait donc perdu son caractère intimidant, et les criminels sortis de ses murs, y rentraient bientôt sans peine et quelquefois avec plaisir[1].

L’arrêté du 10 mai 1859 a changé cet état de choses : depuis

  1. En 1836, l’administration fit une enquête auprès des directeurs des maisons centrales. Les réponses de ces fonctionnaires ont été communiquées à la Commission. Nous croyons devoir en mettre quelques-unes sous les yeux de la Chambre. La question était ; Quel effet produit d’abord sur les condamnés en récidive leur réintégration dans l’établissement ?

    L’un des directeurs répond : Les mauvais sujets sont honteux, mais c’est de n’avoir pu échapper à la justice.

    Un second : La rentrée dans la prison cause, en général, aux récidivistes, un effet de satisfaction qu’on ne prend guère la peine de dissimuler qu’en présence du directeur et de l’inspecteur.

    Un troisième : C’est avec la plus grande indifférence qu’ils se voient réintégrés dans la prison. Point de larmes, point de tristesse. Ils semblent rentrer chez eux après une absence.

    Un quatrième : Les récidivistes rentrent au sein de la prison avec la gaité et le contentement de parents qui, après une longue absence, rentreraient dans leur famille.

    Un cinquième : Les récidivistes saluent leurs camarades comme s’ils venaient de faire un voyage. Ceux-ci paraissent tout satisfaits de les revoir : c’est ce qu’ils appellent de bons prisonniers.

    Un sixième : Parmi les récidivistes, il y en a dix-sept au moins qui ont