Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/330

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Le premier a été d’abord mis en pratique à Auburn. Onze États de l’Union américaine l’ont depuis adopté. La république de Genève l’a introduit, avec quelques modifications, dans son pénitencier. En Sardaigne, plusieurs prisons ont été adaptées à ce système.

Le second est en vigueur dans les États de Pensylvanie, de New-Jersey et de Rhodes-Island. Il est depuis longtemps admis dans la prison de Glasgow, en Écosse ; et, en vertu d’un bill du 17 août 1859, il s’étend peu à peu à toutes les prisons d’Angleterre. La Prusse l’a adopté. En France, il existe depuis plus de cinq ans, bien que d’une manière partielle, dans la prison de la Roquette, à Paris, et depuis plus de trois ans il y règne d’une manière générale et complète.

La Chambre n’attend pas de nous que nous entrions dans l’examen détaillé des avantages et des inconvénients que chacun de ces deux systèmes présente. Elle nous permettra seulement de rappeler les principaux d’une manière sommaire.

Le système d’isolement de nuit, avec travail commun, mais en silence, pendant le jour, empêche les plus grossiers désordres des mœurs ; il prévient, en partie, la contagion morale qui règne dans nos prisons ; il rend le travail des détenus plus productif. Son établissement est moins onéreux que dans le système opposé.

Voici les inconvénients qui sont liés à ces avantages :

Ce système est très-compliqué dans son exécution ; il exige non-seulement dans le directeur de la prison, mais dans tous les agents qui sont sous ses ordres, une perpétuelle vigilance, un zèle constamment éclairé et actif.

La Chambre comprendra aisément quelle immense entreprise cela doit être de maintenir dans un silence continuel et absolu une multitude d’hommes qu’on met chaque jour en présence les uns des autres, qui souvent s’asseoient sur le même banc et mangent à la même table, et qu’on emploie en même temps aux mêmes travaux dans de vastes ateliers remplis de métiers, où le bruit des instruments couvre incessamment celui des paroles. Dans toutes prisons d’Amérique soumises à ce système, la moindre violation de la loi du silence est punie par un certain nombre de coups de fouet. La seule prison américaine[1] où l’on ne fît point

  1. On parle ici des prisons dirigées d’après le système d’Auburn. Le fouet