Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/312

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se révoltent et tu ne peux pas t’arranger ? Tu es un traître toi-même. Je vous connais… je vous arracherai la peau à tous…

Puis, comme s’il craignait de dépenser en vain son ardeur, il laissa Alpatitch et, à pas rapides, partit en avant. Alpatitch, étouffant le sentiment d’offense, le suivit hâtivement. Il continuait à lui communiquer ses considérations. Il expliquait que les paysans étant dans l’ignorance, en ce moment, il serait imprudent de les contredire sans un détachement militaire, et qu’il vaudrait mieux envoyer chercher la troupe.

— Je leur en donnerai, des troupes ! Je les contredirai ! disait sans aucun sens Nicolas, en étouffant de colère insensée, animale et du besoin de déverser cette colère. Sans penser à ce qu’il devait faire, il s’avançait vers la foule, inconsciemment, d’un pas rapide et résolu. Plus il avançait, plus Alpatitch sentait que son acte irréfléchi pouvait donner de bons résultats. Les paysans, en regardant son allure rapide, ferme et son visage contracté, pensaient la même chose.

Après l’arrivée des hussards dans le village, pendant que Rostov était chez la princesse, de terribles querelles se produisirent dans la foule. Quelques paysans se mirent à dire que les officiers étaient des Russes et qu’ils pourraient être offensés de ce qu’on n’eût pas laissé partir la demoiselle.

Drone était de cet avis. Mais dès qu’il l’exprima,