Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/318

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pendant qu’elle, en pleurant, lui parlait de son deuil, ne sortaient pas de son imagination.

Quand elle lui dit adieu et se trouva seule, tout-à-coup, elle sentit des larmes dans ses yeux et alors, pour la première fois, se présenta à elle cette question étrange : est-ce que je l’aime ?

Dans la route, plus près de Moscou, bien que la situation de la princesse ne fût pas gaie, Douniacha qui était dans la voiture remarqua plusieurs fois que la princesse se montrait à la portière et souriait d’un sourire joyeux et triste.

« Eh bien, si je l’aimais ! » pensa la princesse Marie. Quelque honte qu’elle eût à s’avouer qu’elle aimait la première un homme qui peut-être ne l’aimerait jamais, elle se consola à la pensée que personne ne le saurait jamais et qu’elle ne serait pas coupable si, sans en rien dire à personne, jusqu’à la fin de sa vie, elle aimait quelqu’un pour la première et la dernière fois.

Parfois elle se rappelait ses regards, sa compassion, ses paroles, et le bonheur ne lui semblait pas impossible. Et c’est alors que Douniacha remarquait qu’elle regardait en souriant par la portière de la voiture.

« Et il devait venir à Bogoutcharovo juste à ce moment, et sa sœur devait refuser le prince André ! » pensait la princesse Marie, et en tout cela, elle voyait la volonté de la Providence.

L’impression faite par la princesse Marie sur