Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/345

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— Je les ai vus avant-hier chez les Arkharov, Natalie est redevenue belle et gaie. Elle a chanté une romance. Comme tout passe facilement chez certaines gens !

— Qu’est-ce qui passe ? demanda Pierre mécontent.

Julie sourit.

— Vous savez, comte, qu’un chevalier comme vous ne se rencontre que dans les romans de madame Suza.

— Quel chevalier ? demanda Pierre en rougissant.

— Allons, ne feignez pas, cher comte, c’est la fable de tout Moscou. Je vous admire, ma parole d’honneur.

— Une amende ! une amende ! dit le milicien.

— Allons, bon ! On ne peut pas causer, c’est ennuyeux !

Qu’est-ce qui est la fable de tout Moscou ? dit Pierre fâché, en se levant.

— Assez, comte, vous le savez bien !

— Je ne sais rien, dit Pierre.

— Je sais que vous êtes très ami avec Natalie et c’est pourquoi… Non, moi j’étais toujours mieux avec Véra. Cette chère Véra…

— Non, madame, continua Pierre d’un ton de mécontentement. Je n’ai pas du tout pris sur moi le rôle de chevalier de mademoiselle Rostov, voilà presqu’un mois que je ne suis pas allé chez eux, mais je ne comprends pas la cruauté…