Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/441

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semblaient courir, tantôt être immobiles et devant elles couraient les forêts, les champs et les baïonnettes brillantes. À gauche, dans les champs et les buissons, paraissaient sans cesse de ces grands tourbillons avec leurs échos solennels, et plus près, au bas des collines et des forêts, s’enflammaient les petites fumées des fusils qui n’avaient pas le temps de s’arrondir, et donnaient aussi de petits échos. Ta, ta, ta, ta, les fusils craquaient assez fréquemment mais pas régulièrement, et leurs sons paraissaient maigres en comparaison de ceux des canons.

Pierre aurait voulu être où étaient ces fumées, ces baïonnettes brillantes, ce mouvement, ces sons. Il regarda Koutouzov et sa suite pour contrôler son impression par celle des autres. Tous comme lui et, lui semblait-il, avec le même sentiment, regardaient en avant, le champ de bataille. Sur tous les visages se montrait maintenant cette chaleur latente du sentiment que Pierre avait remarquée la veille et qu’il avait tout à fait bien comprise après sa conversation avec le prince André.

— Va, mon cher, va, que le Christ t’accompagne ! dit Koutouzov, sans quitter des yeux le champ de bataille, à un général qui se trouvait près de lui. Après avoir reçu l’ordre, le général passa devant Pierre vers la descente du mamelon.

— Près du gué, dit le général froidement et sévèrement, en réponse à un officier d’état-major qui lui demandait où il allait.