Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/492

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passait autour de lui : la prairie, l’absinthe, le chaume, la balle noire tourbillonnante et son élan passionné pour la vie se rappelaient à lui. À deux pas de lui, un beau et grand sous-officier aux cheveux noirs, debout et s’appuyant sur un tronc, la tête bandée, causait fort et attirait l’attention générale. Des balles l’avaient blessé à la tête et à la jambe. Autour de lui, une foule de blessés et de brancardiers écoutaient avidement ses paroles.

— Quand nous l’avons chassé de là, alors il a tout abandonné et nous avons pris le roi lui-même ! criait le soldat, les yeux brillants, en regardant autour de lui. Si seulement les réserves étaient venues à ce moment, alors, mon cher, il ne resterait plus trace d’eux. C’est sûr, je te dis…

Le prince André, comme tous ceux qui entouraient le narrateur, le regardait d’un œil brillant et éprouvait un sentiment consolant. « Mais n’est-ce pas indifférent maintenant ? Qu’y aura-t-il là-bas ! et qu’y avait-il ici ? Pourquoi tant regretter de quitter cette vie ?… Il y avait dans cette vie quelque chose que je ne comprenais et ne comprends pas ? » pensa-t-il.