Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol11.djvu/102

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propre et y fit un nœud. Berg, à pas de canard, traversa l’antichambre et accourut au salon. Là il embrassa le comte, baisa les mains de Natacha et de Sonia, et s’enquit hâtivement de la santé de sa belle-mère.

— Quelle santé, maintenant ! Eh bien ! Raconte donc, dit le comte. Que font les troupes ? Reculent-elles ou la bataille sera-t-elle livrée ?

— Seul, Dieu éternel peut connaître les destinées de la patrie, père. L’armée brûle d’héroïsme, et pour le moment les chefs sont réunis en conseil. Qu’en sortira-t-il ? on ne le sait pas. Mais en général, je vous dirai, père, qu’il n’y a pas de paroles pour décrire l’héroïsme, le courage, dignes de l’antique, qu’ont montrés les troupes russes dans cette bataille du 26… Je vous dirai franchement, père (il se frappa la poitrine, comme un général l’avait fait devant lui, mais un peu tard, il fallait se frapper la poitrine quand on disait : les troupes russes), que nous, les chefs, non seulement nous n’avions pas besoin de stimuler les soldats, mais à peine pouvions-nous retenir ces… ces… oui, ces actes héroïques et antiques… dit-il très vite. Le général Barclay de Tolly jouait sa vie partout devant les troupes, savez-vous. Notre corps était placé sur la pente de la colline ; pouvez-vous vous imaginer !… Et Berg raconta tout ce dont il se souvenait de divers récits qu’il avait entendus pendant ce temps. Natacha, sans baisser son regard qui