à la maison, le domaine de notre seigneur était riche : il y avait beaucoup de terres, les paysans vivaient bien et notre maison, grâce à Dieu, était prospère. Mon père allait faucher accompagné de ses six enfants. On vivait bien. Nous étions de vrais paysans. Mais il est arrivé…
Et Platon Karataïev raconta une longue histoire : Il était allé dans la forêt voisine chercher du bois, un garde l’avait attrapé, il avait été fouetté, jugé enrôlé.
— Quoi, mon cher, fit-il d’une voix changée par un sourire, on a cru que c’était un malheur et c’était un bonheur ! Sans ce péché c’était le tour de mon frère d’être enrôlé, et mon frère cadet avait cinq enfants, moi je n’avais que ma femme. Il y avait eu une fille, mais Dieu l’avait prise avant le service. Je pars en congé et, sais-tu, je regarde : ils vivent mieux qu’auparavant, l’étable est pleine de bétail, les femmes sont à la maison, les deux frères gagnent leur pain au dehors, seul le cadet Mikhaïlo est à la maison. Et le père dit : « Pour moi, tous mes enfants sont égaux. Qu’on me morde n’importe quel doigt, je sens le mal partout, et si on n’avait pas pris Platon, Mikhaïlo aurait dû partir. » Il nous a appelés tous, nous a placés devant l’icone : « Mikhaïlo, dit-il, viens ici, salue-le bas, et toi, femme, salue aussi, les petits enfants, saluez. Avez-vous compris, enfants ? » C’est comme ça, mon cher ami. Le destin cherche sa tête et nous jugeons toujours : ceci n’est pas bien, ceci est mal. Notre bonheur,