Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/474

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Ainsi il y a des actes de deux sortes : les uns dépendants, les autres indépendants de ma volonté. Et l’erreur qui fait cette contradiction provient uniquement de ce que je transporte irrégulièrement la conscience de ma liberté (qui légitimement s’étend jusqu’à la plus haute abstraction du moi, de mon existence) sur des actes commis solidairement avec d’autres hommes et qui dépendent de la concordance de volontés étrangères avec la mienne. Il est très difficile de définir les limites du domaine de la liberté et de la dépendance, et la définition de ces limites fait le problème essentiel et unique de la psychologie. Mais en observant les conditions de la manifestation de notre liberté la plus grande et de notre dépendance la plus grande, on ne peut pas ne pas voir que plus notre activité est absolue, moins elle est liée à celle des autres hommes, plus elle est libre. Et inversement. Le lien le plus fort, indestructible, pesant et constant avec les autres hommes c’est ce qu’on appelle le pouvoir, qui, dans son vrai sens, n’est que la plus grande dépendance des autres. Est-ce erroné ou non, mais pendant mon travail, en étudiant les événements historiques de 1805-1807 et surtout ceux de 1812, pendant lesquels cette loi de la prédestination[1] paraît le plus

  1. Il est très intéressant d’observer que tous les écrivains qui ont écrit sur 1812 ont vu dans les événements d’alors quelque chose d’extraordinaire et de fatal.