Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol14.djvu/198

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se leva et se mit à gronder. La clameur s’approchait. On eût dit que tous les chiens de la ville étaient là, aboyant, gémissant, hurlant. Je me rendis sur le seuil de la porte cochère pour regarder ; la propriétaire de la maison vint m’y rejoindre.

— Qu’est-ce donc ? lui demandai-je.

— Ce sont les prisonniers qui assomment les chiens, me répondit-elle. Ils se sont tellement multipliés que la municipalité a ordonné d’assommer tous les chiens errants de la ville.

— Comment, on me tuerait Boulka, s’il tombait entre leurs mains ?

— Non, on ne tue pas les chiens qui ont un collier.

Tandis que nous parlions, les prisonniers arrivaient vers notre cour. Des soldats étaient en tête, quatre prisonniers enchaînés suivaient. Deux d’entre eux étaient armés de longs crocs de fer, les deux autres de gourdins. Devant notre porte cochère, l’un d’eux, accrochant de son croc un petit chien de basse-cour, le tira au milieu de la rue, et un autre se mit à l’assommer à coups de gourdin. Le petit chien poussait des hurlements affreux, mais les prisonniers vociféraient et éclataient de rire. Celui qui tenait le croc retourna le petit chien, puis, voyant qu’il était mort, il retira son croc et jeta un regard circulaire, en quête d’un autre chien.

Juste à ce moment, Boulka, d’un bond, comme