Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol14.djvu/221

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vers les arbres. Nous nous assîmes sur nos skis pour nous reposer et nous tirâmes de notre sac le pain et le sel ; j’avalai d’abord un peu de neige puis je mordis dans le pain. Et le pain me parut si bon que, de ma vie, je n’ai jamais rien mangé de pareil.

Nous restâmes assis quelque temps, la nuit tombait. Je demandai à Démian si nous étions loin du village.

— Nous en sommes à une douzaine de verstes, répondit-il. Nous arriverons de nuit. Mais, à présent, il faut se reposer. Prenez donc votre pelisse, monsieur, vous pourriez avoir froid.

Démian cassa des branches de sapin, déblaya la neige, improvisa un lit, et nous nous étendîmes côte à côte, les bras sous la tête. Je ne me souviens pas comment je m’endormis. Environ deux heures plus tard, je m’éveillai ; on entendait des craquements.

Mon sommeil avait été si profond, que j’avais oublié l’endroit où je m’étais endormi. Je promenai mes regards autour de moi. Étrange spectacle ! Où suis-je donc ? Au-dessus de moi des palais blancs et des colonnes blanches, tout étincelants de paillettes. Je lève les yeux : des rameaux blancs, et, à travers les rameaux, une voûte sombre où brûlent des feux de diverses couleurs.

À force de regarder, je me rappelai que nous étions dans la forêt ; ce que je prenais pour des