Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol14.djvu/309

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Dix jours après, Ami devint sombre. Il ne buvait pas, ne mangeait pas et, un jour, il mordit un jeune chien. Alors on l’enferma dans une chambre vide. Les enfants, ne comprenant pas pourquoi on avait enfermé Ami, allèrent en cachette voir ce qu’il faisait. Ils ouvrirent la porte et l’appelèrent. Ami faillit les renverser en s’élançant dehors, puis il alla se cacher dans le jardin, sous un arbre. Lorsque la maîtresse vit Ami, elle l’appela, mais le chien ne vint pas, n’agita pas sa queue, et ne la regarda même pas.

Ses yeux étaient troubles, l’écume sortait de sa gueule. La maîtresse appela son mari et dit :

— Viens vite, on a laissé échapper Ami, et il est tout à fait enragé ! Pour l’amour de Dieu, décide quelque chose.

Le seigneur apporta son fusil, s’approcha d’Ami, et l’ajusta, mais sa main tremblait. Il fit feu. La balle au lieu d’atteindre la tête pénétra dans les reins de l’animal. Le chien hurla de douleur et se débattit. Le maître se baissa pour voir la blessure. L’animal avait les reins tout ensanglantés et les pattes de derrière fracassées.

Ami rampa vers son maître et lui lécha le pied. Le seigneur tressaillit, fondit en larmes et s’éloigna rapidement.

Alors on appela un chasseur qui, avec son fusil, acheva l’animal et l’emporta.