Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol14.djvu/347

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qu’il mélangea. Devant les Tatars, il marmonna quelques paroles, et donna cette boue au malade qui la but. Par bonheur, le Tatar guérit.

Jiline commençait à comprendre un peu la langue du pays, et quelques Tatars, qui étaient déjà habitués à lui, l’appelaient tout simplement Ivan. Les autres continuaient à le regarder de travers. Le Tatar roux n’aimait pas Jiline. Dès qu’il l’apercevait, son front se rembrunissait et il se détournait de lui ou bien l’injuriait. Il y avait aussi, parmi les Tatars, un vieillard. Il n’habitait pas le village, sa hutte était bâtie au pied de la montagne, et Jiline ne le voyait que quand il se rendait à la mosquée pour prier. Il était de petite taille ; son bonnet était enveloppé d’une bande de toile blanche ; sa barbiche et ses moustaches, coupées court, étaient blanches comme du duvet ; son visage tout ridé était de couleur rouge brique. Son nez était crochu comme un bec de milan, et ses yeux gris étaient méchants. Il ne lui restait plus dans la bouche que deux grosses canines.

Quand il passait, coiffé de son turban et s’appuyant sur un gros bâton, il jetait autour de lui des regards de loup. Quand il apercevait Jiline, il grognait et se détournait.

Un jour, Jiline alla se promener dans la montagne pour voir la demeure du vieux. Comme il descendait un sentier, il aperçut un petit jardin entouré d’un mur de pierre ; derrière ce mur, il vit des cerisiers,